mercredi 24 février 2010

Article de Martine Laval sur Hypothermie dans Télérama

http://www.telerama.fr/livres/hypothermie,52910.php

Roman noir

La facilité serait de croire que l'on sait tout de l'Islande, ses mystères, ses horreurs, tout sur Erlendur, flic et personnage récurrent d'Arnaldur ­Indridason. Naïvement, on pense entrer un peu comme chez soi, en terrain connu, dans ce sixième roman du chef de file du polar islandais. Erreur. On est vite happé par une sourde mélancolie, une poisse tracée à l'encre gelée, de celle qui ravive des meurtrissures enfouies depuis trop longtemps. Plus sage que La Cité des jarres (2005), moins bouleversant que La Femme en vert (2006), mais tout aussi impérieux, Hypothermie met en scène un Erlendur presque nouveau, plus fragile que jamais. Ereinté par les mauvais souvenirs (il porte son enfance et la disparition de son jeune frère comme un fardeau), accablé par ses échecs personnels (mauvais mari, piètre père), Erlendur voudrait se reposer - oublier -, il en est incapable. Une fois de plus, il va affronter de vieux démons, chercher une vérité qui se dérobe, découvrir ce que l'Is­lande porte en elle depuis la nuit des temps et qui l'empêche, lui, de dormir : des histoires de naufrages, d'hommes disparus dans des gouffres blancs, d'âmes tourmentées, d'esprits maléfiques, de fantômes réclamant justice.

Notre bon flic, seul contre tous, se met à enquêter sur la mort d'une femme retrouvée pendue. Les conclusions de ses confrères se résument en un mot : suicide. Lui ne peut s'en contenter. Arnaldur ­Indridason écrit le chaud et le froid, les amours déchues, les errances métaphysiques, la culpabilité, l'impossible deuil, et donne encore et toujours le frisson avec Hypothermie, roman des ténèbres.

Martine Laval Telerama n° 3137 - 27 février 2010

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