mardi 18 décembre 2007

Homère à Reykjavík





Par amour pour ce texte, je l'ai finalement traduit. Einar Már Guðmundsson, l'auteur des Chevaliers de l'escalier rond et des Anges de l'Univers y dit tant de belles choses sur l'Islande. A chaque fois que je le lis, il suscite en moi les mêmes images : la rue Hverfisgata, la neige, le vent, le froid, la lumière bleutée de l'hiver et la hâte de rentrer se mettre au chaud. Evidemment, ça donne le mal du pays...

Sagnaþulurinn Hómer, Einar Már Guðmundsson


Eitt regnþungt síðdegi,
á skipi úr víðförlum draumi,
kom sagnaþulurinn Hómer til Reykjavíkur.
Hann gekk frá hafnarbakkanum
og tók leigubíl sem ók með hann
eftir regngráum götum
þar sem dapurleg hús liðu hjá.


Við gatnamót sneri sagnaþulurinn Hómer
sér að bílstjóranum og sagði:
"Hvernig er hægt ímynda sér
að hér í þessu regngráa
tilbreytingarleysi búi söguþjóð?"
"Það er einmitt ástæðan," svaraði bílstjórinn,
"aldrei langar mann jafn mikið
að heyra góða sögu og
þegar droparnir lemja rúðurnar."


þegar droparnir lemja rúðurnar
og þokan sem liðast inn flóann
hylur jafnt fjöllin og hafið,
ekkert í frásögur færandi
nema krapið á götunum,


enginn seiðandi söngur,
engin syngjandi sól,
aðeins fótspor sem hverfa
einsog regnið í hafið,
í tómið og vindinn sem syngur og blæs . . .


Sveipaður gráma
líður tíminn um stræti,
einstaka fugl svífur
draumlaust um bæinn,
regnslæður skýja
herpast um hálsinn
og náttmyrkrið hellist
sem net yfir heiminn.


Maður siglir í bát út á hafið,
það er syngjandi alda,
það er sofandi hús,
segl sem er undið í draumi,
heimurinn bylgjast
um svartan sæ
og ljósin líða
sem logar um stræti.



Le conteur Homère, Einar Már Guðmundsson


Par une soirée lourde de pluie,
Sur un navire tissé en un rêve voyageur
Le conteur Homère s’en vint à Reykjavik.
Il s’éloigna du quai,
monta dans un taxi qui l’emmena
longer des rues grises de pluie
où défilaient des maisons tristes.


A un carrefour, Homère se retourna
vers le chauffeur et lui dit :
“Comment peut-on s’imaginer qu’ici,
au creux de cette monotonie grise de pluie
vive une nation de conteurs ?”
“C’en est la raison précise,” répondit le chauffeur,
“jamais on n'a autant envie
d’entendre une belle histoire
que quand les gouttes frappent les vitres.”



lorsque les gouttes frappent les vitres,
que la brume se glisse dans la baie,
couvrant montagnes et océan,
et que rien ne vaut d’être conté
sauf la neige boueuse et glacée des rues,



nul chant ensorcelant,
nul soleil virtuose,
seules des traces de pas qui se perdent,
telle la pluie sur l’océan,
dans le néant et dans le vent
qui fredonne et qui s’époumone...


Drapé dans sa grisaille,
le temps longe les rues,
un oiseau esseulé plane
sur la ville en un vol sans rêve,
les voiles de pluie des nuages
s’enroulent autour du cou
et le noir de la nuit se déverse
tel un filet sur le monde.


Un homme vogue en bateau bien loin sur l'océan,
ici une vague qui chante,
ici une maison qui sommeille,
une voile enveloppée dans un songe
le monde ondule sur l’océan noirâtre
et les lumières passent
telles des flammes le long des rues.


Traduction : Eric Boury, 7 novembre 2007

vendredi 23 novembre 2007









L'HOMME DU LAC / KLEIFARVATN

Voici la présentation sur la page des Editions Métailié du prochain Arnaldur Indridason qui sortira début février. Quant à moi, je commence la traduction du cinquième volume.

"A la suite des tremblements de terre qui ont eu lieu en Islande en juin 2000, le lac de Kleifarvatn se vide peu à peu. Une géologue chargée de mesurer le niveau de l’eau découvre sur le fond asséché un squelette lesté par un émetteur radio portant des inscriptions en caractères cyrilliques à demi effacés. La police est envoyée sur les lieux, Erlendur et son équipe se voient chargés de l’enquête, ce qui les mène à s’intéresser aux disparitions non élucidées ayant eu lieu au cours des années 60 en Islande. Les investigations s’orientent bientôt vers les ambassades ou délégations des pays de l’ex-bloc communiste. Les trois policiers sont amenés à rencontrer d’anciens étudiants islandais qui avaient obtenu des bourses de l’Allemagne de l’Est dans les années 50 et qui ont tous rapporté la douloureuse expérience d’un système qui, pour faire le bonheur du peuple, jugeait nécessaire de le surveiller constamment. Peu à peu, Erlendur, Elinborg et Sigurdur Oli remontent la piste de l’homme du lac dont ils finiront par découvrir le terrible secret. On retrouve les personnages des livres précédents. D’autres apparaissent, parmi lesquels Sindri Snaer, le fils d’Erlendur.A. Indridason réfléchit sur l’humanité et la cruauté du destin. Il nous raconte aussi une magnifique histoire d’amour contrarié, sans jamais sombrer dans le pathos. L’écriture, tout en retenue, rend la tragédie d’autant plus poignante."

Ce roman a reçu le Prix POINT du polar européen à l'occasion du festival Quai du Polar


vendredi 16 novembre 2007

Grand prix de littérature policière pour La Voix d'Arnaldur Indriðason


Excellente surprise : La Voix a reçu le grand prix de littérature policière. Hmm... que dire? Content de voir qu'Arnaldur plaît autant au public français. Merci à lui pour ses livres et aussi à Anne-Marie de l'avoir fait connaître ici.


lundi 12 novembre 2007

Les chevaliers de l'escalier rond







La critique suivante est parue sur le site : papercuts.fr à propos des Chevaliers de l'escalier rond d'Einar Már Guðmundsson, publié chez Gaïa.




" Les Chevaliers de l’Escalier Rond, c’est un peu le Petit Nicolas chez les scandinaves avec l’impertinence de Calvin et Hobbes. Mais ces parentés n’empêchent pas ce roman d’être un livre rare. Peu commun d’abord puisque la maison d’édition Gaïa a choisi de le publier sur des pages roses pâles afin d’en optimiser le confort de lecture ; ensuite parce qu’Einar Már Guðmundsson possède un talent sans pareil pour retrouver le ton de l’enfance. L’auteur précise s’intéresser à « ce que la réalité recèle de magique en même temps que la part de réalité que la magie recèle ». S’il s’agit ici de son second ouvrage traduit en français, Les Chevaliers de l’Escalier Rond est pourtant le premier roman de l’islandais, coup d’essai remarqué avant qu’il soit consacré en 1995 par le Prix Littéraire du Conseil des Pays Nordiques pour Les Anges de l’Univers, paru en France chez Flammarion.

L’histoire de ce roman ? Rien de plus simple, le héros, Jόhann, nous raconte les petits et grands tracas d’un enfant des années 60 dans les quartiers populaires de Reykjavík, capitale de l’Islande. Mais cela pourrait se passer dans n’importe quelle autre grande ville européenne de l’époque, avec ses nouveaux immeubles en construction, et son équilibre fragile entre laxisme et autorité. Un simple coup de marteau qu’il donne sur la tête de son ami Olí, et toute l’existence de Jόhann s’en retrouve bouleversée. Imaginez : notre jeune héros se retrouve privé de l’anniversaire d’ Olí, sans conteste la meilleure fête de l’année puisque l’oncle de l’hôte, athlétique policier, vient y faire une démonstration de ses muscles !

Avec cette trame narrative simple, et ses rebondissements parfois futiles, Einar Már Guðmundsson nous prouve que l’histoire n’a que peu d’importance pourvue qu’elle soit bien racontée. La plume de l’auteur est si virevoltante, que nous découvrons haletants les suspens de pacotille qui jalonnent les journées d’un petit de sept ans.

« Olí hurle. Olí tremble. La tête d’ Olí se transforme en plusieurs têtes. Olí a quatre têtes. Et puis gloup : de ses cheveux coupés en brosse, un petit œuf blanc, et les larmes semblent précéder le passage d’ Olí quand il franchit la porte de la cave de l’immeuble. » Ou : « J’envisage la possibilité d’aller me noyer dans le bocal à poissons de mon grand frère ou bien de disparaître dans l’un des tiroirs du bureau. Je lève les yeux vers la fenêtre au cas où la magicienne des histoires enfantines essaierait d’entrer en contact avec moi. »

Avec le narrateur, nous redécouvrons les choses sous un regard neuf. A travers des yeux d’enfant, tout se teinte de merveilleux, l’imagination transforme le quotidien en donnant à chaque détail un sens nouveau. Cette retranscription minutieuse des digressions propre à la jeunesse donne lieu à de très savoureux passages, sur les coupes masculines courtes par exemple, les bienfaits d’une doudoune à capuche et tant d’autres petits riens éparpillés sur notre route.

Peut-être faudrait-il également saluer le travail du traducteur, Eric Boury, qui a su conserver la cocasserie joliment naïve dont Guðmundsson pimente son écriture ; pour preuve, quelques titres de chapitres : « Je sens que j’ai le nez qui sanglote », « Messages en langue des doigts », ou le moins poétique « Mal aux roupettes ». Comme devant un bambin maladroit qui reprend avec ses mots les expressions d’adulte, on ne peut s’empêcher de sourire à la lecture des Chevaliers de l’escalier rond.

Ce chaleureux roman venu du froid est un petit plaisir de lecture rare où humour et poésie sont mêlés avec délicatesse. Et lorsque la tragédie arrive, l’auteur l’évoque avec pudeur, à demi-mot et, comme les sourires précédemment esquissés, l’émotion s’invite à la lecture… Il n’y a décidément pas d’âge pour se redécouvrir une âme d’enfant. "

dimanche 30 septembre 2007

Kleifarvatn, L'homme du lac, Arnaldur Indridason


Le prochain opus des "aventures" du commissaire Erlendur paraîtra aux Editions Métailié en février 2008. Il s'agit de L'homme du Lac, en islandais, Kleifarvatn (Le lac de Kleifarvatn). A droite, une photo de la couverture de l'original du livre.
Je viens de remettre la traduction à Anne-Marie Métailié. C'est un très beau livre, une enquête bien menée et une magnifique histoire d'amour... Quel plaisir de traduire Arnaldur...

Tími nornarinnar, Le temps de la sorcière,


Le Temps de la sorcière d'Arni Thorarinsson (Þórarinsson) est paru aux Editions Métailié fin août. Ci-dessous, une critique de Gérard Meudal parue dans le Monde des Livres, le 31 août 2007

Arni Thorarinsson : crimes sans mobile et téléphone portable

LE MONDE DES LIVRES 30.08.07 17h43 • Mis à jour le 30.08.07 17h43

Un petit objet devenu banal est en train de révolutionner les codes du roman policier : le téléphone portable. On connaît déjà la place que ces appareils ont prise dans les activités délictueuses. Indispensables aux malfaiteurs, ils sont devenus des auxiliaires précieux pour les enquêteurs, qui peuvent grâce à eux localiser certains appels et confondre les couples. Il était donc légitime de se pencher comme le fait Arni Thorarinsson, un auteur islandais né en 1950 dont c'est le premier roman traduit en français, sur les nouvelles règles qu'ils imposent à la fiction. "Ils ont compliqué (la tâche) des auteurs de romans policiers parce que le héros comme la victime étaient eux aussi toujours accessibles : le suspense et le danger de mort impliqués par l'impossibilité de joindre ou d'être joint appartenaient désormais presque au passé."
Tout commence lorsqu'un grand quotidien de Reykjavik décide d'ouvrir une antenne locale à Akureyri, une ville du Nord où il ne se passe pourtant pas grand-chose. Une femme est morte en tombant dans une rivière au cours d'une séance de rafting organisée par l'entreprise de confiserie dont elle était propriétaire. Un accident banal.
Quelques jeunes ivrognes font du tapage dans les bars de la région, un chien s'est égaré sans même se faire écraser et la troupe amateur des lycéens d'Akureyri s'apprête à monter une pièce du répertoire classique islandais, Loftur le sorcier. Pas de quoi doper les ventes d'une édition régionale du Journal du soir, pas de quoi non plus nourrir une intrigue policière qui au départ peut sembler presque laborieuse, malgré des personnages pittoresques et bien campés. En premier lieu, le narrateur, Einar, devenu localier malgré lui. En bisbille permanente avec le nouveau patron du journal, il file le parfait amour avec Snaelda, une perruche que les propriétaires de l'appartement qu'il loue ont confiée à sa garde. Et puis il y a Gunnhildur Bjargmundsdottir, la mère de la femme noyée dans la rivière, qui voit des crimes partout. Mais, dans sa maison de retraite, la vieille dame a manifestement abusé des aventures de l'inspecteur Morse à la télévision ; du reste, elle n'a peut-être plus toute sa tête. Il y aussi Joa, la photographe qui tombe amoureuse de la rédactrice en chef du journal concurrent.

DÉSORDRE GÉNÉRAL
Lorsque Skarphedinn, le jeune bourreau des cœurs qui devait jouer le rôle-titre de Loftur le sorcier, est retrouvé assassiné, son cadavre brûlé sur un tas de pneus dans une décharge, à la veille de la première de la pièce, tous les fils de l'intrigue se nouent étroitement. Commence alors le portrait implacable d'une société à la dérive. On a l'impression que les troubles dont peuvent souffrir certains individus, particulièrement les jeunes, ceux qui n'ont pas encore trouvé leur place dans la société, ou les vieux, qui sont en passe de la perdre, des désordres comme l'hypocondrie ou les délires narcissiques ne sont que le reflet d'un désordre plus général qui affecte le groupe tout entier. En explorant systématiquement ces défaillances, Arni Thorarinsson dresse un portrait sévère, d'une cruauté presque surprenante, d'une société dont les individus semblent avoir perdu tout repère et avoir de plus en plus de mal à communiquer entre eux. Avec ou sans téléphone portable.

LE TEMPS DE LA SORCIÈRE (TIMI NORNARINNAR) d'Arni Thorarinsson. Traduit de l'islandais par Eric Boury. Métailié noir, 336 p., 20 €.
Gérard Meudal

lundi 13 août 2007

La femme en vert, numéro 1 -:)

Une amie en Islande m'a signalé que depuis quelques jours, La Femme en Vert est numéro 1 au palmarès établi par Datalib sous la rubrique polars. La cité des jarres, est en 11ème position.
http://public.datalib.net/fonctions/top_ventes.php?page=1&cat=3
Agréable surprise -:)

mercredi 20 juin 2007

Prix Elle pour la Femme en Vert d'Arnaldur Indriðason


La Femme en vert (Grafarþögn) a reçu le Prix Elle des Lectrices dans la catégorie policier le 29 mai de cette année... à la grande satisfaction de l'auteur, de l'éditrice et du traducteur...

mardi 5 juin 2007

Einar Már Guðmundsson, Riddarar hringstigans










Le roman Les chevaliers de l'escalier rond d'Einar Már Guðmundsson est paru chez Gaïa le 31 mai, voici la couverture...


Voici, en version à peine modifiée, le texte de présentation de l'oeuvre et de son auteur que j'ai envoyé à mon éditeur il y a quelques mois :


EINAR MÁR GUÐMUNDSSON

Einar Már Guðmundsson est né à Reykjavík en 1954.
Comme la plupart des écrivains islandais, il commence par publier un recueil de poésie, en 1980. En 1985, pour son premier roman, Les chevaliers de l’escalier rond, (Riddarar hringstigans) il obtient le premier prix d’un concours prestigieux, organisé par la Société littéraire islandaise (Almenna Bókafélagið). En 1995, son roman Les Anges de l’univers (Englar alheimsins) (traduit en français par Catherine Eyjólfsson chez 10/18) reçoit le Prix Littéraire du Conseil des Pays Nordiques, la plus haute récompense décernée annuellement à un écrivain des cinq pays nordiques. Cette œuvre est ensuite adaptée au cinéma par le réalisateur Friðrik Þór Friðriksson et Einar Már en rédige le script. En collaboration avec ce réalisateur, Einar Már a d’ailleurs écrit deux autres scripts.
Einar Már a publié en tout une dizaine de romans, sept recueils de poèmes et deux traductions de Ian McEwan.
Einar Már Guðmundsson est l’un des très grands auteurs islandais du vingtième siècle. Il parle du quotidien en le transfigurant par le biais de mots de tous les jours, c'est-à-dire qu’il se livre à une activité véritablement « poétique » dans le sens étymologique du terme. Comme il le dit lui-même, il tente d’examiner ce que la réalité recèle de magique en même temps que la part de réalité que la magie recèle. Dans ses œuvres, les notions de réel, d’imaginaire et de surnaturel ne sont pas trois pôles détachés les uns des autres, mais elles font, au contraire, partie d’une seule réalité globale.
Jusqu'alors, seul son roman Les anges de l’univers avait été traduit en français : très belle traduction de Catherine Eyjólfsson.



LES CHEVALIERS DE L’ESCALIER ROND


Il s’appellent Jói, Óli, Garðar, Jón, mais il y a aussi tous les autres gamins de ce quartier encore en construction, les parents, les tantes, les oncles, le marchand de jouets, le marchand de hot-dogs, le coiffeur et l'oncle policier.

Jói est un petit garçon de six ou sept ans qui, comme tous les enfants, fait nombre de bêtises. Jói déchire les cahiers d’école de son grand frère car, bien que n’ayant pas l’expérience du système scolaire, il se révolte déjà, par anticipation. Jói descend en courant l’escalier de l’immeuble où il habite et donne un coup de marteau sur la tête d’Óli, son petit voisin, puis il regrette amèrement son geste car Óli annule l’invitation qu’il lui avait lancée pour venir à son anniversaire auquel doit assister son oncle policier et herculéen, le héros du quartier et des pages sportives du Journal du Matin, rien que ça ! Et puis, après tout, ce n’est pas sa faute à lui si son petit voisin a placé sa tête sur le chemin du marteau arrache-clou. C’est la faute de son père qui n’a pas rangé le marteau, la faute du marchand de marteaux, la faute du fabricant…

C’est décidé : Jói ira à l’anniversaire… Il met en place toute une stratégie dans sa tête. Il organisera une manifestation spirituelle en défilant derrière son immeuble, vêtu de son anorak à capuche qui soulignera tragiquement sa solitude et, pour peu qu’il se mette à pleuvoir, la mère d’Óli le prendra en pitié ; il dissuadera les autres gamins de la rue de s’y rendre, il s’arrangera pour manipuler le petit voisin, il passera un pacte avec les poissons de son aquarium qui vont lui venir en aide… Il est malin !

Jói est un enfant qui pense comme un enfant mais s’exprime souvent comme un adulte ou, tout du moins, en singeant les adultes. La logique de ses réflexions est délicieusement farfelue, il interprète la réalité avec les outils intellectuels dont dispose un enfant, de façon drôle, poétique et, si l’on peut dire, magique. Pourquoi les enfants n’ont-ils pas le droit de rester dans la rue à la nuit tombée ? La réponse est simple : leur ennemi numéro un, le Comité de Protection des Enfants et Adolescents a décrété que leurs heures de sortie coïncideraient avec celles de l’allumage des phares des voitures ! Par conséquent, les enfants peuvent rester dehors toute la journée en été mais l’hiver, ils ont à peine le temps de mettre le nez dehors puisqu’il fait presque toujours nuit. Dans le même registre, quel meilleur remède y a-t-il que le café contre les insomnies imaginaires ?!

L’ensemble du roman est écrit à la première personne et c’est Jói qui en est le narrateur. Il s’adresse souvent directement à Óli, apostrophe le lecteur, donne des explications hasardeuses sur bien des choses (l’habillement, les coupes de cheveux, les professions et activités des adultes) et parvient à recréer l’ambiance qui régnait non seulement à Reykjavík mais aussi, probablement dans bien des villes européennes dont les banlieues étaient en cours de construction au début des années soixante. En outre, il nous donne une image psychologiquement juste de la manière dont un enfant perçoit et analyse la réalité. Il s’explique tout, il comprend tout et donc, il nous explique tout ça, nous raconte tout ça de manière séduisante et drôle, dans une histoire ponctuée de passages d’une grande poésie où, comme dans la vraie vie, le tragique a également sa place.


samedi 12 mai 2007

Skilaboð/Message

Peut-être est-il temps que ces petits poèmes écrits il y a deux ans, au moment où je me suis réinstallé en France, quittent le disque dur de mon ordinateur ?

1. SKILABOÐ

Þegar sólin rís á hraunbreiðunni
þarf ég að vakna og
yfirgefa þig í mjúku sænginni

sofðu..., hvísla ég
og strýk þér um ennið

heiðskír morgunn
kaldur á vangann

sólris á hraunbreiðunni
ég vakna
þú opnar augun og ég hurðina
geng niður götuna og hugsa að
þig grunar kannski ekki
hvað ég hlakka til sumarsins.

1. MESSAGE

Quand le soleil se lève sur le champ de lave,
je dois me réveiller et
t'abandonner dans la couette moelleuse.

dors... murmuré-je,
en te caressant le front.

Matin limpide
qui glace la joue

Lever de soleil sur le champ de lave,
je m'éveille
tu ouvres les yeux et moi, la porte.
Je descends la rue et me dis que, peut-être,
tu ne soupçonnes pas à quel point
j'ai hâte qu'arrive l'été.

2.
Sólin
líkust hjarta þínu
í huga mér

2. Le soleil,
ressemble tant à ton coeur
dans mon esprit.


HANN SNJÓAR

Hann snjóar:
Ef það væri ég sem lægi
þarna á götunni sem ég sé þig ganga
í huga mér varlega og hljóðlaust
myndu spor þín bræða mig
og allt yrði þurrt
eins og hjarta þitt.

IL NEIGE

Il neige :
si c'était moi qui reposais ainsi
dans la rue où je te vois marcher
par la pensée, prudemment et en silence,
les traces de tes pas me feraient fondre
et tout se tarirait
comme ton coeur.

La voix

Tant de choses encourageantes ont été écrites à propos de LA VOIX, d'Arnaldur Indriðason que j'aurais peine à en livrer la synthèse. Télérama, le Monde, Libération, le Canard enchaîné, le Figaro magazine et bien d'autres publications ont exprimé leur opinion, le plus souvent positive et élogieuse. Le seul mot qui me vient à l'esprit est MERCI. Merci aux lecteurs, merci aussi à Anne-Marie Métailié pour sa ténacité, la qualité de son écoute et sa gentillesse. Merci à ceux et celles qui m'ont guidé vers l'écriture et la traduction.

Au mois de juin paraîtra chez Gaïa Editions, dans un registre tout autre que le policier, un très joli roman d'Einar Már Guðmundsson (l'un des grands auteurs islandais contemporains). Les Chevaliers de l'escalier rond (Riddarar hringstígans) raconte quelques journées de la vie d'un petit garçon de Reykjavík à la fin des années cinquante. C'est à la fois frais et profond, léger et grave, comique et tragique, fragile comme la vie elle-même. Toute chose est vue et décortiquée avec les yeux du personnage principal, Jói alias Jóhann Pétursson. Une oeuvre délicieuse à lire, où l'inattendu et la poésie sont intégrés au quotidien le plus anodin qui soit de façon organique grâce à la langue de l'auteur, constamment en équilibre sur la frontière qui sépare le réel de l'imaginaire.