Je signale la parution d'une critique du roman dans L'Express :
http://www.lexpress.fr/culture/livre/entre-ciel-et-terre_907452.html
Stefánsson à cheval Entre ciel et terre
Par Baptiste Liger, publié le 22/07/2010 à 07:00
Un pêcheur meurt d'avoir été hanté par la poésie. Un grand roman mystique islandais.
Il n'y a guère qu'une lettre de différence entre les "morts" et les "mots". On ne sait pas ce qu'il en est en islandais : toujours est-il que Jón Kalman Stefánsson a cherché, avec Entre ciel et terre, à explorer les rapports entre la littérature et l'au-delà. Ainsi, ce livre a coûté la vie à Bárour, au moins indirectement.
Hanté par les vers du Paradis perdu du Britannique John Milton, ce pêcheur d'Islande -rien à voir avec celui de Pierre Loti - n'a pas pris garde à enfiler sa satanée vareuse, lors d'une sortie en mer. "Voilà le genre de tours que peut nous jouer la poésie. [...] Les mots n'offrent qu'un abri bien frêle face au vent venu du pôle qui transperce tout et s'immisce dans la chair." Le froid intense du grand large aura raison de lui, et ses compagnons de pêche ramèneront son cadavre à terre. Parmi ceux-ci, le "gamin" se révèle particulièrement bouleversé par cette disparition. Il s'impose alors comme devoir moral, hommage à son ami Bárour, de rendre le livre à son propriétaire, Kolbeinn, un vieillard aveugle "aussi féroce qu'un loup atlantique" sorti d'Homère.
On pourrait évidemment saluer la magnifique évocation de l'Islande du XIXe siècle et l'admirable portrait du milieu des pêcheurs. Mais outre cet aspect "naturaliste", Entre ciel et terre est une grande odyssée mystique, où les voix des morts s'entremêlent à celles des vivants. Dans une langue d'une splendeur absolue (remarquablement retranscrite par la traduction d'Eric Boury), Jón Kalman Stefánsson médite sur la postérité et le sens de la vie, comme dans cet aphorisme aux airs de condensé de son admirable roman : "Nos paroles sont des brigades de sauveteurs désemparées, équipées de cartes de géographie inutilisables et du chant des oiseaux en guise de boussole."
Je signale également la lecture du début de ce texte (Gallimard, Du monde entier, 2010) par Martine Laval, critique littéraire à Télérama :
http://www.telerama.fr/livre/lectures-buissonnieres-version-voix-off-entre-ciel-et-terre-de-jon-kalman-stefansson,55458.php
A écouter...
3 commentaires:
Libérée des contraintes du temps et de l'espace pour quelques heures, je plonge "entre ciel et terre" et malgré la chaleur de la pièce où mon corps réside, peu à peu le froid me saisit, celui des mots imparfaits et de leur absence, celui de mes incertitudes sibyllines.
"Nous sommes aussi ce que nous taisons", alors, je me tais, et j'attends qu'éclate le verbe de Stefansson - qui pour moi est tout autant le tien - pour faire le deuil de ce Barour que j'ai trop peu connu.
Mille mercis à toi, Aurélie, je suis touché et heureux que ce texte te plaise. Tu sais à quel point il compte pour moi.
Effectivement, parler, parler... Des mots. Certes agréables à entendre et à prononcer, mais encore des mots. Un vieil homme meurt, un jeune homme croit agir? Quelle chance il a d'en réchapper! Et ces femelles autour de lui qui le protègent! J'espère que dans le tome 3, il les niquera comme un fou et qu'il les remettra à leur place! Ou qu'il se suicidera comme un homme.
Après la mort, que reste-t-il? Il fait froid dans mon coeur : Aurélie empêchera-t-elle ma cryogénisation?
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