Récemment, Claire Ernzen et votre serviteur ont eu ensemble une fort agréable conversation sur la traduction et sur les livres de Jon Kalman Stefánsson... voici !
« Une nuit je me suis dit : Mais c'est “gamin”, le bon mot ! »
Eric Boury est le traducteur privilégié de Jón Kalman Stefánsson, qui vient de recevoir le prix du livre étranger France Inter-Le Point pour son dernier roman, « Ton absence n’est que ténèbres ». Il est aussi un formidable passeur de mots. Rencontre avec un homme heureux, qui dit de la traduction qu'elle donne un sens à sa vie.
Eric Boury est né dans le Berry. Il est tombé amoureux de l’Islande à treize ans après avoir lu Voyage au centre de la terre de Jules Verne et rêvé sur des photos du pays en noir et blanc. Il y est parti à dix-neuf ans, bagage de langues nordiques de l’université de Caen en poche. « J’ai eu l’impression de voir mon paysage intérieur », se souvient celui qui, après avoir travaillé comme garçon de ferme et « livreur de courrier » est aujourd’hui l’un des meilleurs traducteurs de l’islandais en France.
En exergue de votre blog de traducteur, il y a cette phrase de René Char : « Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards, ni patience ». Est-ce votre ligne de conduite en tant que traducteur ?
Oui ! Et ça vaut aussi bien pour la littérature, que pour le rêve ou pour l’amour. Cette phrase amène à réfléchir, elle reste en nous, elle vit en nous. Dans mon métier je traduis une littérature que je choisis et qui me plaît car on y trouve des phrases, des histoires qui finalement t’aident à vivre. Jón Kalman Stefánsson dit que la littérature a la capacité de rendre le monde plus vaste. Je dirais aussi que s’il n’y avait pas la poésie ou l’art tout court, ce serait très difficile de vivre, de survivre dans ce monde.
Vous êtes aujourd’hui le traducteur français exclusif du romancier islandais, dont vous avez déjà traduit sept livres. Comment l’êtes-vous devenu ?
Je traduisais déjà cinq auteurs islandais, dont Arnaldur Indridasson ou Sjón, tout en étant prof d’anglais et de français dans un lycée professionnel… Et je n’avais le temps pour rien ! Et puis j’ai rencontré Jean Mattern, son éditeur chez Grasset à un festival littéraire en 2007, il avait lu en allemand ce qui allait devenir Entre ciel et terre. Quelques mois plus tard il en avait acheté les droits et me l’a envoyé malgré mes réticences. Je reçois le livre, je l’ouvre, je lis les dix premières pages, même pas, les cinq premières, et j’ai eu un coup de foudre absolu. J’ai alors trouvé le temps !
Qu’est-ce qui vous a plu chez ce romancier ?
Tout. Il a une écriture très particulière que l’on retrouve dans chacun de ses livres. La ponctuation par exemple, Jón Kalman utilise beaucoup de virgules et écrit de longues phrases, pas facile à respecter lorsqu’on traduit mais magnifiques à lire, et puis il est capable d’emmener son lecteur vers de multiples personnages en même temps… Je me souviens de passages de poésie pure dans Entre ciel et terre, où l’on accompagne plusieurs d’entre eux tandis qu’ils mangent ensemble et on découvre simultanément les pensées de la cantinière et de chaque pêcheur dans différentes profondeurs de champ… l’un pense à sa femme, l’un pense à son fils, l’un pense à son frère… Et tout cela forme comme une symphonie ou un opéra, j’ai été complètement ébloui, personne n’écrit comme ça en Islande.
Comment se passe pour vous une journée de travail ?
Quand je suis en période de travail, j’aime bien avoir une bonne nuit de sommeil, puis je m’y mets : je fais d’abord des relectures à haute voix, systématiquement. Je fais une relecture à chaque fois que j’ai terminé un chapitre, et à chaque fois que j’ai fait ma dose de travail de la journée aussi. Je ne déclame pas, mais je relis en lecture murmurée, de façon à ce que ça résonne dans mon oreille. Il faut qu’il y ait le rythme, la musique… D’autant plus que l’on écrit dans sa propre langue mais que la matière initiale est une langue étrangère. C’est une journée de travail un peu classique, et qui a souvent tendance à s'allonger ! Au début, quand "j’écris" un livre, et le dernier par exemple, celui de Jón Kalman n’y échappe pas, je me dis, bon, tu vas t’astreindre à cinq ou six pages par jour, ce n’est pas mal, ça te laisse du temps pour faire autre chose et puis très rapidement j’ai été tellement happé, je suis passé à douze pages par jour, puis à quinze. J’ai traduit le livre de six cents pages en trois mois.
Lisez-vous une première fois le texte en entier ou traduisez-vous page à page comme un fou furieux ?
Oui, je fais partie des fous furieux. Je lis les cinquante ou les trente premières pages, quelquefois, mais souvent dès la première page, je me dis, allez au boulot, parce qu’en fait, j’ai envie de commencer. Quand on traduit ainsi, tout en découvrant le livre, il peut y avoir un énorme danger, celui parfois de se tromper de sens, mais on rectifie vite. Si le livre est bon, on plonge.
Quelles qualités faut-il développer, quelles qualités avez-vous dû développer vous-même pour en faire votre métier ?
Il faut avoir une bonne capacité de travail. Ça doit être très énervant pour l’entourage mais au bout d’un moment il n’y a plus qu’une seule chose qui existe, c’est le livre. Une autre qualité à cultiver est la rigueur. Être très attentif au texte, toujours coller au texte islandais sans que le phrasé ne sonne « étranger » en français et en même temps essayer de rendre au maximum tout ce qui se trouve dans le texte source, islandais pour moi, je ne traduis que cette langue. Parfois, il y a des états de grâce. Parfois on s’arrête. On a traduit quelque chose et on se dit : Je suis content. On relit et on se dit : mais que s’est-il passé dans ma tête ? Pourquoi est-ce si fluide ? Les phrases se succèdent. On lit la phrase en islandais, on la traduit. On la lit, on la traduit. Et ça peut durer une page entière, il se passe quelque chose de magique de l’ordre d’un automatisme, d’une forme d’automatisme. J’ai tellement traduit, j’ai dû traduire une soixantaine de livres, que j’en ai acquis de nombreux. Tu es complètement imprégné du bouquin, de la pensée de l’auteur, de sa sensibilité et fatalement tu n’as pas vraiment l’impression de bosser… Évidemment c’est un travail, mais tu prends tellement de plaisir…
Comment sait-on que l’on a trouvé l’image juste, celle qui va déployer tout son suc, toute son émotion auprès du lecteur français qui possède une autre culture, sans pour autant trahir l’écrivain ni sa langue ?
Notre seul moyen, c’est de la tester sur soi. On fait le travail et puis on se demande : Est-ce que pour moi ça marche ? Il y a deux choses très importantes : la première c’est de ne pas trahir le texte, la deuxième est que le ton, les messages soient recevables. Mais ça c’est quelque chose que l’on sent quand on relit. Est-ce qu’on a grosso-modo la même impression quand on lit la traduction en français à haute voix puis le texte islandais ? Parfois des images peuvent sembler très belles en islandais mais deviennent très moches dans notre langue. Alors on change. On trouve une image parente de l’image islandaise, on tâche d’adapter le mieux possible…
Par exemple à la fin de Ásta de Jón Kalman, le contexte dans le livre est le suivant : Le soleil est en train de se coucher, il y a quelques nuages et le ciel se brouille. Jón Kalman trouve une image mêlant le soleil au rouge d’un œuf, car en islandais on dit rouge d’œuf au lieu de jaune d’œuf. Or, si l’image fonctionne parfaitement en islandais, en français le rouge d’œuf passe mal. Alors j’ai appelé l’éditeur et Jón Kalman, pour leur proposer bientôt le soleil se noiera, son sang se figera. C’est une transposition d’un vers d’Harmonie du soir de Baudelaire légèrement transformé « Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige ». Ils ont accepté. Je peux en parler avec Jón Kalman sans problème parce que l’on se connait très bien maintenant, nous sommes très amis… Mais si l’auteur a disparu, que fait-on ? On fait le travail parce que le but c’est de ne pas détruire le livre pour le lecteur. Le livre est là pour le lecteur avant tout.
C’est quelque chose que vous avez toujours en tête, le lecteur ?
Pas quand je traduis. Je l’ai toujours en arrière-plan, mais on ne passe pas notre temps à se demander si lecteur va aimer, ça ne rentre pas en ligne de compte.
Faut-il admirer pour bien traduire ?
C’est souhaitable parce que si vous admirez, vous avez d’autant plus de plaisir ! En tout cas bien aimer le livre à traduire est important. Mais on peut aussi parfois accepter de traduire un roman pour l’exercice pur. Et il arrive qu’à la fin on adore le livre…
Jón Kalman a dit dans une rencontre avec ses lecteurs que l’une des choses les plus importantes pour lui dans la traduction est que le traducteur comprenne l’atmosphère d’un livre. Ce qui vous laisse une grande marge de manœuvre …
Comprendre l’atmosphère, et aussi le ton, les tonalités qui peuvent être différentes… Dans ton absence n’est que ténèbres, il y a des ruptures de ton. Il y a des moments presque carnavalesques, d’autres, ailleurs, plus lyriques… Il s’agit aussi de comprendre les motivations des personnages ou leur absence de motivation… Le traducteur est assez libre, mais de toutes façons quoi que puisse dire l’auteur, le traducteur est quand même esclave du texte. Si le traducteur est incapable de rendre l’atmosphère du livre, alors là, patatras, c’est qu’il n’a pas compris le livre. Et c’est très grave.
Dans Entre ciel et terre que vous avez traduit, une phrase revient sans cesse comme une phrase-poème « Nulle chose ne m’est plaisir en dehors de toi » et illumine le livre. Est-ce une traduction littérale ou une trouvaille de traducteur ?
C’est une citation de Milton, tirée du Paradis perdu. Le texte a été traduit en islandais par un pasteur islandais au début du 19-ème siècle, elle respecte l’ancienne métrique islandaise mais le pasteur a produit une image neuve, puisqu’il l’a traduit au 19eme. Les spécialistes disent même que cette traduction a aussi influencé les grands poètes de ce siècle là, en Islande. J’ai d’abord examiné la phrase anglaise de Milton, Nothing please is me without you, puis la traduction littérale de Chateaubriand rien ne me plaît sans toi. Mais je trouvais ça très plat. J’ai donc penché pour la traduction littérale islandaise, celle du pasteur, j’ai essayé. Pas parce que c’était une idée saugrenue, mais parce que pour moi elle était la plus belle, tout simplement. Pour le Rien en début de vers, qui se dit ekkert en islandais, j’ai trouvé qu’il y avait un petit problème de rythme… Le rien coupe. J’ai alors opté pour Nulle chose, qui est plus doux. J’ai mis une note à cet endroit dans entre ciel et terre en expliquant pourquoi je ne prenais pas non plus la traduction de Chateaubriand… Mais bien l’islandaise, Nulle chose ne m’est plaisir en dehors de toi. Ce pasteur avait traduit ça de manière tellement magistrale, tellement belle, tellement profonde, que, par endroits - Jón Kalman l’explique d’ailleurs dans Entre ciel et terre -, sa traduction dépasse le texte original.
Parfois donc, la traduction peut surpasser l’original ?
Une traduction, qu’elle soit de Baudelaire ou d’un autre traducteur, reste une traduction particulière à chaque fois. Peut-elle surpasser l’original ? Par endroits, oui. C’est la même œuvre, ou c’est quelque chose très proche de l’œuvre, mais c’est quand même une autre œuvre. Umberto Eco a écrit un essai qui s’intitule Dire presque la même chose, dans lequel il exprime tous les problèmes de la traduction, et c’est bien de cela dont il s’agit : Le traducteur ou la traductrice passe son temps à s’évertuer à essayer de dire presque la même chose. Alors, parfois il arrive à dire exactement la même chose mais en fait, même s’il le croit, il ne dit pas exactement la même chose. Parce que son lectorat n’évolue pas dans le même monde culturel et dans le même environnement que le lectorat original.
Mais pas seulement. Peut-être aussi parce que vous êtes d’abord et avant tout des lecteurs, vous, les traducteurs, ce qu’on oublie souvent ?
Oui. Nous ne sommes pas des machines. Nous sommes aussi des lecteurs, et donc des interprètes. On nous donne une partition, on joue une partition comme on la conçoit, il y a nécessairement une part d’interprétation. Comme un chef d’orchestre. Et on se rend compte alors à quel point ce dernier peut être important. En musique, par exemple, J’ai toujours adoré les opéras de Mozart que j’ai écouté jusqu’à plus soif. Et puis j’ai découvert un chef d’orchestre belge, René Jacobs, qui a repris les plus grands opéras mozartiens, et la première fois que je l’ai écouté, je me suis dit: On y est. C’est mieux que toutes les interprétations que j’avais déjà entendues. C’est mieux… Disons : ça me correspond plus. Et il se passe la même chose avec la traduction.
Quelle est la part de la subjectivité du traducteur ?
La subjectivité va s’attacher à des détails. Parce qu’une œuvre bien écrite a toujours une économie interne qui ne permet pas toutes les marges de manœuvres, en tout cas pas à l’infini. Mais attention, la subjectivité peut aussi induire en erreur. L’œuvre rappelle quelquefois le lecteur-traducteur à l’ordre. Quand j’ai traduit Entre ciel et terre, pendant les cents premières pages, j’avais appelé garçon celui qui est désormais nommé le gamin dans le livre. Strákur en islandais est du langage tout à fait standard, neutre, cela signifie garçon. Mais vers la moitié du livre, une nuit de juin je me suis réveillé et je me suis dit mais non, ce n’est pas le garçon, le bon mot, mais le gamin, nom de Dieu c’est le gamin ! Donc demain tu changes tout. Et j’ai tout changé. Ensuite je me suis demandé pourquoi j’avais choisi gamin plutôt que garçon. Mais parce que c’était une évidence ! Parce que le mot gamin en français est beaucoup plus chargé émotionnellement que garçon … On peut dire « Et gamin ! Eh, le gamin, viens ici… » Et puis il y a la douceur. Et ce gamin est tellement doux, on a tellement envie de le consoler et de le protéger que l’appeler le garçon, c’était lui faire un sale coup…
Vous employez en français une langue simple, riche, affective, familière, intime…
Jón Kalman manie un langage simple qui permet d’exprimer des choses très complexes. Là réside pour moi la vraie intelligence, celle qui allie l’intelligence intellectuelle et émotionnelle, l’intelligence du cœur, aussi. On écrit et on parle le même genre de langue. J’ai toujours aimé la simplicité. Je viens d’une famille d’ouvriers-paysans, des gens qui ne lisaient pas, sauf mon père. Nous ne sommes pas des intellectuels. Jón Kalman l’est peut-être plus que moi… Mais quand je le lis j’ai l’impression de devenir plus intelligent et quand je le traduis aussi.
Doit-on tout comprendre d’un livre, l’histoire, les personnages, la structure, le point de vue, pour bien traduire ?
Ton absence n’est que ténèbres est vraiment très charpenté, très complexe, et quand je suis arrivé à la fin j’ai eu l’impression d’avoir réussi à embrasser la structure du livre, à embrasser le livre, ok, il est là. Il n’est pas en train de s’échapper de mon étreinte… Il est là. Il y a des bouts qui dépassent à droite à gauche, tu vois le mouvement, tu vois ce qu’il fait, là tu comprends ce que l’auteur a voulu faire même si tu n’es pas complètement capable de l’expliquer parce que c’est autant du domaine du ressenti que de l’intellect, et puis il y a toutes ces questions auxquelles tu n’as pas de réponses tangibles, par exemple le pasteur-chauffeur, qui est-il exactement ? Un pasteur sanctifié, l’homme d’église, est-ce que c’est le démon, est-ce Dieu, l’auteur lui-même qui se dédouble ? C’est l’une de mes hypothèses mais c’est juste une hypothèse … C’est l’auteur qui se dédouble pour apparaître dans son texte, il y a la partie qui veut écrire et l’autre partie qui veut surtout picoler et faire la fête… ça peut être ça aussi. Jón Kalman lui-même le sait-il ? Il y a des zones de mystères qu’il faut accepter. C’est ça qui est beau aussi. S’il n’y a pas de mystère, il n’y a pas grand-chose, finalement. Et pas que dans les bouquins, dans la vie aussi.
Avez-vous l’impression de faire partie du processus intime de l'écriture quand vous traduisez ?
J’ai traduit sept livres de Jón Kalman, fatalement, je connais tout son univers, toute sa façon de parler, celle qu’il a construite au fil de ses romans et quand tu te mets à le traduire, alors, évidemment ce n’est même pas conscient, tu enfiles ton costume de Jón Kalman en français, c’est vraiment ça. Ça vient tout de suite. Tu enfiles ton costume, même pas ton costume, c’est ta peau, c’est comme la peau des serpents, comme une mue… dès que je lis Jón Kalman j’entre dans quelque chose de familier et si je rencontre une difficulté, j’ai les échos de ses autres livres en tête et je trouve la solution. Je prends aussi conseil auprès de Jean son éditeur, d’une amie, Annabelle, et de Jón Kalman, bien sûr, dès que j’ai un doute.
Ce qui vous touche le plus dans l’écriture de Jón Kalman Stefánsson ?
Son humanité et son humanisme. Et son lyrisme, ce qui ne va pas forcément ensemble. On peut être humaniste et un peu rigide… Pas lui. Ce que j’adore dans son écriture c’est le mouvement. Je n’ai pas l’impression qu’il écrit de la littérature, mais qu’il écrit la vie. Et il n’y a rien au-dessus de la vie. Parfois je traduis une scène de l’un de ses livres, je ris, je pleure parfois à chaudes larmes, et c’est plus fort que moi : il faut que je l’appelle où qu’il soit pour lui dire ça : qu’il écrit la vie et même l’éternité. Tu as presque l’impression parfois d’une possession. Jón Kalman serait-il le démon ? (rires) non, c’est une possession très agréable…
Le plus beau compliment que l’on vous ait fait en tant que traducteur ?
Qu’on ne voit pas du tout mon travail ! Et ça j’adore. C’est quand même le but. Car si le traducteur traduit it’s raining cats and dogs par il pleut des chats et des chiens, désolé c’est très fidèle, mais complètement à côté de la plaque !
Votre métier vous procure-t-il de la joie?
Même du bonheur. Traduire un livre qui va être publié avec des gens dont je peux dire que je les aime donne vraiment un sens à ma vie.
Le blog d’Eric Boury : www.ericboury.blogspot.com
Ton absence n’est que ténèbres, de Jón Kalman Stefánsson, aux éditions Grasset.